Dans ce numéro - La matière juridique connaît d’importantes évolutions qui affectent la structure du droit à tous ses niveaux, à commencer par le droit constitutionnel. La deuxième présentation s’intéresse ainsi à l’instance juridictionnelle transitoire mise en place en Tunisie pour contrôler la constitutionnalité des projets de loi suite à l’adoption de la nouvelle constitution en 2014. Cette institution singulière, mise en place dans un contexte politique qu’il est à peine besoin de rappeler et dont la fonction est rendue d’autant plus nécessaire que l’institution qu’elle devait suppléer, la Cour constitutionnelle, n’est toujours pas en activité, méritait d’être présentée. Et qui plus à même de le faire qu’un membre de cette institution ! C’est chose faite avec la contribution de la Professeure Chikhaoui-Mahdaoui (Université de Tunis et membre de l’instance provisoire chargée du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi). Si l’établissement de cette institution est une marque du renforcement du constitutionnalisme tunisien, c’est à l’inverse à une dérive autoritaire du constitutionnalisme japonais que s’intéresse le Professeur Yamatomo (Université de Keio). Sa contribution dans ce numéro est une traduction en français d’un article initialement publié en anglais, ce qui est aujourd’hui plutôt rare alors que l’anglais est généralement une langue de destination pour les traductions. Cet article mérite donc d’être lu à la fois pour son fond et pour sa forme.
Le droit international occupe également une place importante dans ce numéro et les contributions qui y sont consacrées sont essentiellement placées sous le signe des conflits. Au sens physique du terme, d’abord, Alexis Bouillo (École de droit de la Sorbonne) s’interroge sur le rapport entre le droit et la violence, sujet fondamental au sens propre puisque le rôle pacificateur du droit est admis comme axiome par la plupart des juristes. C’est pourtant bien à une déconstruction de cette « croyance », selon ses propres mots, que l’auteur procède au profit d’une autre analyse du rapport entre les deux notions. Conflit au sens militaire du terme, ensuite, grâce à la contribution de Mutoy Mubyala (UNHCR), qui explore la question du droit de recourir à la force en Afrique. Le prisme régional adopté par l’auteur est particulièrement instructif dans un domaine dont l’étude est souvent envisagée dans sa dimension globale. L’article, issu d’une conférence donnée par son auteur à l’École de droit de la Sorbonne en octobre 2018, analyse le sujet à la fois dans un cadre historique et dans son application pratique.
Si ces deux présentations s’intéressent essentiellement aux droits et obligations des sujets classiques du droit international que sont les États et les organisations internationales, le statut des personnes privées dans cet ordre ne doit pas être négligé. Ce numéro aborde le sujet sous l’angle du droit de l’Union européenne. Le professeur Baratta (Université de Macerata) part, dans son article, à la recherche des fondements d’une « communauté de droits et de valeurs » dans le processus d’intégration européenne et s’intéresse aux conséquences de son existence. C’est à ces mêmes conséquences qu’Anna Nowak (Institut universitaire européen) s’intéresse. Prenant en exemple le cas du recours en annulation en matière d’aides d’État, elle explore la question de la protection juridictionnelle effective au sein de l’Union européenne, dans une analyse qui allie la technicité d’un aspect particulier du droit européen de la concurrence à l’analyse plus globale du droit au recours. C’est également au droit de la concurrence que Valentin Depenne (Université de Fordham) consacre sa contribution, la seule de ce numéro qui soit rédigée en anglais. Il y propose une analyse comparative de l’application du droit de la concurrence (antitrust) dans le marché du travail et plus particulièrement aux accords de non-concurrence, en prenant comme sujets de l’étude les États-Unis et l’Union européenne.
Le droit de la concurrence, que ces deux présentations abordent, renvoie invariablement au consommateur, qui est souvent placé dans une situation de déséquilibre vis-à-vis de son cocontractant. Ce problème, qui irrigue à la fois le droit de la concurrence et le droit de la consommation, n’est pas limité au consommateur et vaut également, par exemple, pour l’employé vis-à-vis de son employeur. Ce déséquilibre entre les parties faibles et leurs cocontractants est accentué dans les contrats internationaux de travail et de consommation et c’est notamment dans le but de protéger ces parties faibles que l’autonomie de la volonté en matière de détermination de la loi applicable est généralement écartée dans ce type de contrat. Il n’est cependant pas impossible d’envisager une autonomie de la volonté qui soit protectrice de la partie faible. C’est à cette question de l’autonomie in favoremque Jessica Balmes (École de droit de la Sorbonne) consacre une contribution dont la complexité et l’intérêt méritaient qu’on la laisse, exceptionnellement, dépasser (un peu) la limite de pages autorisée !
C’est également au thème de la protection des parties faibles qu’est consacrée la contribution de Miguel Ángel Martínez-Gijón Machuca (Université de Séville), qui s’intéresse au cas particulier des protections des travailleurs malades en droit de l’Union européenne. Le sujet est évidemment essentiel sur le fond, mais c’est surtout sur la forme que cet article s’illustre au sein de notre revue puisqu’il est publié en espagnol !