Dans ce numéro :
Le rôle du juriste n’est pas de freiner le changement, mais de l’accompagner, de le guider, de l’orienter, ce qui suppose en premier lieu de le comprendre. C’est donc sous ce thème qu’est placé le présent numéro de la revue, plus court que les précédents, mais selon l’avis évidemment biaisé de son rédacteur en chef, tout aussi intéressant. Comprendre le changement, c’est avant tout disposer d’une grille d’analyse pertinente pour appréhender les phénomènes sociopolitiques en droit. Voilà précisément l’objet de la contribution de Grenfieth de Jésus Sierra Cadena, Professeur de droit public et de théorie juridique à l’Université du Rosario (Colombie). Son étude porte un regard critique sur les principaux courants théoriques du droit constitutionnel dans le cadre du phénomène de mondialisation et propose la construction d’un jus publicum régional reposant sur « la coordination, l’harmonisation ordonnée de valeurs et de traditions juridiques à partir d’un dialogue des juges excluant tout dogmatisme juridique ou économique ».
Comprendre le changement suppose également d’être en mesure d’appréhender ses modalités extrajuridiques, y compris lorsque celles-ci présentent un certain degré de complexité et d’expertise. Cela est particulièrement vrai en droit de l’environnement, domaine dans lequel l’élaboration d’un régime pertinent repose intégralement sur l’état fondamentalement évolutif de la connaissance scientifique. C’est à ce sujet qu’Adeline Paradeise, doctorante à l’École de droit de la Sorbonne, consacre sa contribution. Celle-ci s’inscrit dans cycle sur le thème du droit et de la science issu d’une conférence organisée en janvier dernier à l’École de droit de la Sorbonne et dont les prochaines contributions seront publiées dans le prochain numéro. S’il est impossible pour le droit d’ignorer la science, faut-il pour autant aller plus loin et considérer que le droit est, lui-même, une science ? L’expression, évidemment, divise et se décline en autant de formes qu’il y a d’auteurs pour penser le concept. Synthétiser l’état de l’art dans ce domaine n’est pas chose aisée, proposer une issue l’est encore moins. Voilà pourtant l’exercice auquel se prête Pierre Brunet, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne, qui nous offre, en ouverture du cycle droit et science, ses « Variations sur la “science du droit” ». Le rôle du droit est aussi d’être moteur du changement. Voilà précisément l’objet de la présentation de Carlos Bernal, juge à la cour constitutionnelle de Colombie, qui développe ici les stratégies judiciaires du constitutionnalisme transformateur en termes de réduction de la pauvreté et de l’inégalité. Cette contribution, traduite en français par Arnaud Martin, maître de conférences H.C.R. à l’Université de Bordeaux, doit évidemment être lue en parallèle de la contribution du Professeur de Jésus Sierra Cadena. Cette vision d’un constitutionnalisme dynamique au service du progrès social, qui développe en passant une doctrine constitutionnelle du « Sud global » qui ne trouve pas toujours d’écho qu’elle mérite sur le vieux continent, est une source d’inspiration pour le juriste.
Changer, c’est certes transformer, mais c’est aussi réformer. Telle est l’idée directrice de la contribution de Yanis M. Bourgeois, diplômé de l’École de droit de la Sorbonne, qui s’est choisi une cible de choix : le défi de légitimité de l’arbitrage international de l’investissement. L’auteur propose ici une approche réaliste et concrète des failles structurelles et matérielles de la matière pour proposer des réformes souvent essentielles.