Comme espéré dans l’éditorial du dernier numéro de la Revue juridique des étudiants de la Sorbonne, ces derniers mois ont été marqués par la reprise des activités d’enseignement et de recherche académiques in situ, et notre Revue n’a pas manqué à l’appel. Notre conférence sur la chanson francophone a bien pu se tenir en septembre dernier au sein-même de l’université. Elle fut marquée par la richesse et la diversité des interventions proposées par le Professeur Jean-Christophe Barbato (Défense de la chanson francophone et droit de l'Union européenne), Simon Lhermite (Le rôle de la SACEM dans l'évolution de l'industrie musicale francophone à l'heure du numérique) et Marion Chaube (La liberté d'expression du rappeur), que nous remercions chaleureusement.
Ce n’est toutefois pas cette conférence que vous trouverez dans ce numéro, mais celle qui s’était tenue quelques mois auparavant, à une époque où les visio-conférences étaient le seul moyen se réunir de manière licite après 18 heures. Nous avons ainsi le plaisir de réunir ici deux perspectives bien différentes sur la notion, assez méconnue, de crypto-nationalisme. Du point de vue du droit administratif français, Matthieu Febvre-Issaly (doctorant en droit public à l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne) nous propose une étude des écrits de René Chapus sur l’Europe, qui montrent une autre face du travail de cet auteur marquant du droit administratif en France et où les deux aspects notés par Ruth Sefton-Green dans la doctrine de droit privé européen - le « crypto » et le « nationalisme » - se retrouvent particulièrement. Benjamin Saunier (doctorant en droit international privé à l’Institut de recherche juridique de la Sorbonne) nous démontre quant à lui en quoi la discipline du droit international privé est particulièrement riche pour l’analyse des tendances crypto-nationalistes, en s’intéressant en particulier à l’application de la loi de l’État de nationalité des individus et à l’exception d’ordre public international.
Dans ce même numéro, l’article de Louise Maillet (doctorante en droit international et européen à l’Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne) et d’Agathe Dighiero--Brecht (élève-avocate à l’École de Formation des Barreaux et diplômée du Master 2 Droit international et organisations internationales de l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne) fait particulièrement écho à la situation actuelle. Elles y proposent en effet une étude de l’intensité du contrôle opéré par la Cour européenne des droits de l’homme lorsqu’elle apprécie les mesures dérogatoires instaurées par les États membres (en vertu de l’article 15 de la Convention relatif aux états d’exception).
Pour la première fois, il s’agit d’un numéro entièrement francophone et entièrement rédigé par des étudiants ou alumni de l’Université Paris I – Panthéon-Sorbonne. Vous remarquerez également que ce numéro est moins fourni que les précédents du point de vue du nombre d’articles. Il s’agit d’abord du signe de l’exigence dont font preuve nos relecteurs, que je tiens à remercier pour leur rigueur et leur engagement, garants de la qualité du contenu publié par notre Revue. Cette baisse du nombre d’articles publiés est également liée, cependant, à une baisse du nombre de soumissions. Bien que cela nous encourage à accroître nos efforts pour améliorer la visibilité de la Revue au sein de la communauté académique, on ne peut s’empêcher d’y voir le signe d’une fatigue générale (ou « fatigue pandémique »), conséquence d’une crise sanitaire qui s’est installée dans la durée et dont l’issue demeure largement incertaine.
Comment tenir compte de ces circonstances, en tant qu’éditeurs académiques, afin de maintenir, autant que possible, une continuité des débats et de la production de savoirs ? Cette question a fait l’objet d’un éditorial[1] dans l’une des principales revues européennes de droit international, le European Journal of International Law (EJIL). L’éditorial se concentre sur les chercheurs et, surtout, les chercheuses ayant des responsabilités familiales (« caring responsibilities »), dont les conditions de travail ont été plus durement affectées par les confinements successifs[2]. Cependant, l’ensemble de la communauté académique pourrait bénéficier des propositions qui y sont faites. Parmi celles-ci : encourager la publication d'écrits d'un format plus court que les traditionnels articles académiques. Il y est notamment suggéré de donner aux potentiels contributeurs la possibilité de soumettre des réponses à des articles précédemment publiés par la même revue, qui pourraient figurer dans une rubrique « Débats » (à l’image de la rubrique « EJIL : Debate ! »). Cette proposition nous semble intéressante, et nous invitons donc les personnes qui seront titillées par un article publié dans ce numéro (ou qui l’auraient été par un article publié dans un précédent numéro) à se manifester !
Ces questions, relatives aux évolutions d’une revue qui n’en est qu’à son quatrième volume, pourront être envisagées par une nouvelle équipe. Après le départ de Vincent Bassani et l’arrivée récente de Lisa Forrer, Nolwenn Ribreau et Victor-Ulysse Sultra, dont le travail fourni durant ces derniers mois a été plus que précieux, vont quitter leurs fonctions au sein du Comité éditorial. Pouvoir compter sur une telle équipe – dont fait également partie Anne-Charlotte Cervello – m’a permis d’envisager de manière sereine et confiante (du moins, autant que possible !) des responsabilités qui ont été particulièrement enrichissantes et que je vais, moi aussi, très prochainement quitter.
Je profite donc de ces dernières lignes pour adresser tous mes vœux de succès et d’encouragement à la personne qui va me succéder (elle sera désignée au début du mois prochain), et souhaiter une longue vie à cette publication !
Charlotte Collard
Rédactrice en chef - Doctorante à l’École de droit de la Sorbonne
[1] S. Nouwen, J. Weiler et l’équipe éditoriale d’I•CON (International Journal of Constitutional Law), « The Unequal Impact of the Pandemic on Scholars with Care Responsibilities: What Can Journals (and Others) Do? », European Journal of International Law, 2021, vol. 32, n. 2, pp. 389-393. Disponible en ligne : https://www.ejiltalk.org/the-unequal-impact-of-the-pandemic-on-scholars-with-care-responsibilities-what-can-journals-and-others-do/ [consulté le 18 janvier 2022]
[2] Voy. not. : C. Flaherty, « Women Are Falling Behind », Inside Higher Ed, 20 octobre 2020. Disponible en ligne : https://www.insidehighered.com/news/2020/10/20/large-scale-study-backs-other-research-showing-relative-declines-womens-research [consulté le 18 janvier 2022].